La maison Rewbell-Laplace

Le parc et la grande bâtisse parfois qualifée de château qui se trouvaient entre la gare Laplace et la Médiathèque auraient appartenu à Ronsard, au député Rewbell et au mathématicien Laplace.
Depuis le 16e siècle, différents personnages sont cités dans les registres paroissiaux comme seigneurs « en partie » d’Arcueil, et le domaine figure nettement sur toutes les cartes anciennes. Il est donc très possible que le parc « Laplace » ait été depuis cette époque un fief dépendant de la seigneurie principale, comme ceux de Montmort et des Arcs. La tradition veut que la première demeure ait été occupée par le poète Ronsard (1524-1585), alors que son ami Jodelle aurait occupé le futur parc Berthollet.
La carte ci-contre dressée par l'abbé de la Grive montre le domaine et son parc, vers 1740
Durant pratiquement tout le 17e siècle, le domaine appartient à la famille de Sainctot (ou Saint Tot) : Pierre de Sainctot, Trésorier des Finances, au début du siècle, puis en 1642 Jean-Baptiste de Sainctot, sieur de Vemars (ou Vinars), Conseiller du Roy. Le dernier d'entre eux, Nicolas, meurt en 1713. Pierre de l'Isle, qui en devient alors propriétaire, fait construire en remplacement de l'ancienne bâtisse une grande demeure rectangulaire comportant des communs. En 1765, elle appartient à Messire Pinon et sa veuve, quelques années plus tard, la vend à son avocat, un certain Jean-François Rewbell (ou Reubell), que la Révolution rendra bientôt célèbre.
Lors des Etats généraux de 1789, Rewbell est élu député du Tiers Etat de Colmar, ville où il est né en 1747. Il participe à la Constituante de 1789, et est réélu à la Convention (1792). Montagnard, il s'illustre en combattant les royalistes et les prêtres réfractaires.
A l'instauration du Directoire, en 1795, Rewbell fait partie des cinq "Directeurs" désignés par l'assemblée pour gouverner le pays, avec Barras, Carnot, La Révellière-Lépeaux et Letourneur. Il conserve ce poste durant quatre ans.
Rewbell rentre chaque soir dans sa maison d’Arcueil, où différentes personnalités viennent s'entretenir avec lui. Il s'y réfugie également les 9 et 10 septembre 1796, lors de la tentative de renversement du Directoire connue comme « l'affaire du camp de Grenelle ».
Le Directoire, et notamment Barras, accusé de corruption, deviennent progressivement impopulaires. Le remplacement aléatoire, chaque année, de l'un des Directeurs conduit au départ de Rewbell en mai 1799. Peu après, Napoléon Bonaparte prend le pouvoir et instaure le Consulat. Jean-François Rewbell délaisse alors la vie politique. Il retourne dans son pays natal et meurt à Colmar en 1807. Un an plus tôt, il a vendu sa maison d'Arcueil au mathématicien Pierre Simon Laplace.
Laplace est célèbre pour ses travaux de recherche et pour sa courte intervention dans les affaires publiques (Il a été ministre de l'Intérieur en 1799, sous le Consulat ; Napoléon, jugeant médiocres ses capacités d'administration, l'a cependant renvoyé au bout de six semaines). Ses changements d'opinion fréquents et opportunistes lui rapportent des titres de comte d'Empire en 1806, de marquis après la Restauration, et un certain mépris des milieux intellectuels, surtout républicains.
Ses travaux scientifiques n'en sont pas moins remarquables. On lui doit en particulier des recherches dans les probabilités et une étude très détaillée de la mécanique du système solaire. Il contribue, entre autres, à la fondation de l'école Normale puis de l'école Polytechnique.
Comme l'avaient fait Ronsard et Jodelle, Laplace fait établir une communication avec le parc mitoyen (emplacement actuel de la Caisse des Dépôts et Consignations) appartenant alors à Berthollet, l’ami avec qui il crée la Société chimique d’Arcueil. A l'autre extrémité du parc, près de l'angle des actuelles rue Eugène-Fournière et avenue Laplace, se trouve une petite construction carrée dans laquelle Laplace effectue ses expériences les plus dangereuses.
Laplace décède en 1827 et la maison passe à son fils. En 1871, durant la Commune de Paris, elle sert d'Etat-major aux Fédérés dirigés par Serizier ; l'incendie de sa bibliothèque, au deuxième étage, provoque l'arrestation des dominicains occupant l'ancien parc Berthollet (Voir l'affaire des dominicains d'Arcueil).
C'est ensuite le comte Colbert-Laplace, neveu de Pierre Simon Laplace, qui occupe le domaine. L.L.Veyssière rapporte que comme l'avait fait son oncle, il fait distribuer chaque semaine un sou et une ration de pain à cent malheureux, qui forment une file devant l'entrée. Jusqu'en 1881, la famille Laplace perpétue une autre tradition consistant à inviter chaque année le major de promotion de l'école Polytechnique.
En 1890, le domaine est cédé au collège dominicain Albert-le-Grand, qui occupe toujours la propriété voisine. Le révérend père Didon, qui vient de prendre la direction de l'établissement, a en effet convaincu son conseil d'administration d'investir dans le développement de ses équipements. Une seconde école, alors dite Ecole Laplace, est installée dans le parc.
Sur le plan ci-contre (Etat des communes, 1901), noter l'emplacement de la maison, le long de l'actuelle rue Marius Sidobre, près de la boutique "Arcueil Motor", et la présence du regard n°16 de l'aqueduc Médicis vers l'intersection des rues d'Estienne d'Orves et Brossolette. Remarquer également l'emplacement de la première "Halte Laplace" de la ligne de Sceaux, construite en 1894 à une cinquantaine de mètres de l'actuelle.
Lorsque le collège ferme, en 1908, la maison est détruite et le parc est morcelé. Son lotissement, réalisé à partir de 1909, provoque des désaccords entre le lotisseur et la municipalité pour savoir qui financera la création et l'entretien des rues.
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