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Bibi-la-Purée

S’il n’est pas aussi illustre que le bon maître, le locataire qui précéda Erik Satie dans le studio de la maison dite Aux quatre cheminées n’est pas tout à fait un anonyme. Bibi-la-Purée, de son vrai nom André-Joseph Salis de Saglia, était lui aussi une figure de Montmartre et du quartier Latin, quelques années avant Satie, dans les années 1880-1900. Il est d'ailleurs fort probable qu'ils se soient connus là-bas avant que Satie ne reprenne le bail de Bibi à Arcueil.

Le sobriquet de « Purée », qui évoque à l’époque familièrement l’absinthe lorsqu’elle est troublée par quelques gouttes d’eau, donne un aperçu du personnage de ce clochard extravagant qui, comme Satie, cultive le non-sens. On le rencontre habituellement à l’auberge du Clou, rue des Martyrs, où il fume des cigarettes éteintes en prenant son café, mais jamais d’alcool. Ses excentricités font rire les passants. Elles le rendent vite célèbre auprès du milieu artistique parisien, qui fait de lui une sorte de mascotte : il sera photographié, représenté par Picasso et par Steinlen, raconté par Verlaine, et deviendra en 1925, plus de vingt ans après sa mort, le héros d’un film de Maurice Champreux.

Aux policiers qui, lors de ses fréquents séjours au poste, l’interrogent sur sa profession, il exhibe la boite de cirage et la brosse qu’il a toujours dans la poche et prétend être cireur de soulier. Une plaisanterie de plus, car s’il est juste qu’il exerce cette activité, il le fait à titre bénévole, et uniquement auprès de Verlaine ; de sorte que l’on peut se demander si cette réponse ne s’entend pas au sens figuré. Aux autres, il se dit le plus souvent rentier ou millionnaire, alors qu’il ne bénéficie en réalité que de 400 francs par an, dépensés en quelques jours. On le voit parfois coursier, porteur de billets doux, voleur de parapluies, mendiant simulant une infirmité, vendeur de lacets ou encore de fleurs fanées.

« Bibi s’accrocha aux pas d’un Verlaine très diminué par la fréquentation assidue de la sournoise fée verte », écrit Annette Le Bonhomme*. Fasciné par le poète, il s’arrange en effet pour toujours se trouver sur son chemin et lui offrir ses services. Il le rencontre une première fois en 1870 et comme lui, décide de s’engager contre les Prussiens (On sait que Verlaine, bien qu'appartenant au bataillon qui défendait Cachan, ne prit pas part à cette bataille). Leurs routes se croisent à nouveau en 1886 quand ayant repéré Verlaine à la terrasse d’un café, Bibi se précipite pour recoudre un accroc à son manteau. Le poète lui offre un verre. A partir de ce jour, Bibi ne lâche plus Verlaine. Il lui voue un véritable culte. Se présentant comme son secrétaire, il accomplit pour lui toutes sortes de tâches ingrates, l’aidant à marcher ou le soulevant de son lit quand la maladie ou l’absinthe le rendent invalide.

Bibi-la-Purée cède son studio à Erik Satie en 1898. Son décès, en 1903, donne lieu à une nécrologie dans la Revue Universelle : « Célèbre, [Bibi] ne l’était guère que sur la route qui mène de Montmartre au quartier latin, mais il jouissait là d’une incontestable popularité que lui avaient valu ses allures d’excessive bohême, son masque grimaçant et les accoutrements dont il couvrait avec une fantaisie outrancière son pauvre corps étique. [...], perdu dans d’invraisemblables redingotes, on le voyait trainer devant les cafés et les bars ses souliers éculés que recouvraient, suivant une mode à laquelle Bibi est resté fidèle, de sordides guêtres blanches; ainsi accoutré il vendait des cartes postales, cirait les bottes et portait les billets doux. »

CS
*Sources :
Bibi-la-purée, Annette Le Bonhomme, Chroniques du Val-de-Bièvre n°81, hiver 2014
Bibi-la-purée, Jules Dépaquit, La Vache enragée N° 91, novembre 1922
Revue universelle, sous la direction de Georges Moreau, 1903

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